11 mai 2006

Thierry Melchior
(Psychologue, consultant au Service de Santé Mentale de l’U.L.B.)

«La création du réel en hypnose et en thérapie»

Salle Baugniet, Institut de Sociologie, rez-de-chaussée, Avenue Jeanne, Campus du Solbosch

Synopsis

« L’hypnose permet de retrouver des traumas », « Freud a découvert l’inconscient »,  « Nous en passons tous par un complexe d’Œdipe », « Nos lapsus ont un sens » : que penser de ce genre d’assertions ? Les thérapies dérivées de l’hypnose et de la psychanalyse ont-elle découvert quoi que ce soit ? Et s’il s’avérait que la psychothérapie n’a rien découvert, comment comprendre sa (relative) efficacité ?

La majorité des courants psychothérapeutiques contemporains dérivent de la pratique de l’hypnotisme à la fin du 19ème siècle. C’est le cas, en particulier, pour le plus influent d’entre eux, le courant psychanalytique. Son fondateur, Sigmund Freud, avait eu l’ambition d’élaborer une science du psychisme à l’aide d’une technique directement inspirée de l’hypnose, l’« association libre » (couplée à une herméneutique). C’est à partir de cette technique que la psychanalyse a cru découvrir des réalités qui nous sont aujourd’hui familières et qui ont profondément influencé nos façons de penser, telles l’« inconscient », le « complexe d’Œdipe », « l’angoisse de castration », la « pulsion de mort » ou le « transfert ».

Mais dans quelle mesure l’hypnose ou l’association libre permettent-elles de « découvrir » de telles « réalités » ? Peut-on sérieusement dire qu’on a pu grâce à elles « découvrir l’inconscient » ? Constituent-elles des instruments fiables d’exploration et de découverte ? La réponse est clairement négative.

Du reste, l’idée même d’un tel instrument va-t-elle tellement de soi ? A examiner cette question on s’aperçoit qu’une telle idée est intimement solidaire du grand mythe occidental opposant, d’une part, une nature objective soumise aux lois du déterminisme et, de l’autre, des monades humaines dotées de volonté et de libre-arbitre (Bruno Latour).

C’est ce mythe qui structure la pensée de Charcot, de Freud et de ses disciples. Dans une perspective ouverte au 19ème siècle par Hippolyte Bernheim et Joseph Delboeuf, approfondie au 20ème siècle par Milton H. Erickson, en revanche, la pratique de l’hypnose et de la thérapie s’extraie de la conception réaliste pour penser l’élaboration de « réalités » thérapeutiques selon un paradigme constructiviste. Héritiers du courant rhétorico-sophistique grec, ces thérapeutes nous invitent à renoncer à la volonté de faire science dans le domaine de l’esprit, pour nous rendre attentifs aux effets « réalités » co-construites en thérapie et plus généralement dans la vie.

Psychologue et philosophe, Thierry Melchior a d’abord travaillé comme psychothérapeute d’inspiration psychanalytique avant de se tourner vers l’hypnothérapie et la thérapie brève. Il a participé à la fondation de l’Institut Milton H. Erickson de Belgique qui, dans les années 1980 a réintroduit la pratique de l’hypnothérapie en Belgique Francophone. Au début des années 1990, il a été à l’origine de la Société Belge d’Hypnose de Langue française dont il a été le premier président. Il pratique la thérapie au Service de Santé Mentale de l’ULB ainsi qu’en pratique privée et donne des formations en Belgique et à l’étranger en hypnothérapie et en thérapie brève.

- Latour B., Nous n’avons jamais été modernes, La Découverte, 1991

- Melchior Th., Créer le réel, hypnose et thérapie, Seuil, 1998.

- Melchior Th., 100 mots pour ne pas aller de mal en psy, Les Empêcheurs de penser en rond / Le Seuil, 2003.

- Melchior Th., Guérir par la vérité, in La guerre des psys, (sous la dir. de Tobie Nathan) Les Empêcheurs de penser en rond / Le Seuil, 2006.