Penser la science
« Penser le nucléaire : un an après Fukushima »
École d’Été 2010 « Penser le travail »
École d’Été 2009 « Penser la ville »
École d’Été 2008 « Penser l’Évolution »
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Résumés des exposés
L’évolution biologique
racontée par des biologistes
L'Évolution: tenants
et aboutissants des théories explicatives
Jean Vandenhaute
(Génétique moléculaire, FUNDP)
La biologie est la science-reine de ce siècle, sinon du
millénaire. Des disciplines jadis distinctes convergent en
elle. Des questions jusque là inabordées, telles
l’origine de la vie ou la conscience, sont portées
à l’agenda de la recherche. Si cet essor est largement
dû aux progrès conceptuels et technologiques
obtenus récemment dans le sillage de la
génétique dite moléculaire, un
rôle fondamental - heuristique – a été
joué par la théorie de l’Évolution :
depuis qu’elle vit le jour, il n’est pas de
phénomène du monde vivant que le scientifique ne
confronte à la clé interprétative que
lui offre cette théorie. Apport tout aussi significatif,
bien que plus rarement remarqué, est le fait que la science
naturelle autrefois divisée en
« zoologie » et
« botanique » a pu devenir
« biologie » grâce
à la conception nouvelle et unifiante de
l’Évolution.
Nous tenterons ici d’exposer la teneur de la vision
évolutive du vivant en montrant qu’elle est
littéralement
« invasive » de toute les
disciplines de la biologie et nous chercherons à expliciter
par quelques exemples sa valeur heuristique et
opérationnelle. On sait qu’un modèle, lorsqu’il
demeure en attente de preuve directe, induit
généralement un courant intellectuel qui peut
être foisonnant et riche de nouvelles hypothèses
et débats. Ce fut le cas exemplaire de la théorie
avancée par Darwin sur l’origine des espèces.
Qu’en reste-t-il 150 ans plus tard et est-il possible de faire un point
sommaire, mais critique, de ce qui a pu être
étayé ou au contraire
réfuté ? Qu’est devenu le nouvel horizon
de recherche sur le compréhension du
phénomène vivant, son origine et son
avenir ?
Ève mitochondriale et autres
révélations de l'ADN sur l'histoire des
populations animales et végétales
Olivier Hardy
(Génétique des populations, ULB)
Chaque espèce se caractérise par une
diversité génétique qui correspond aux
divergences génétiques entre individus.
L'importance de cette diversité et son organisation
géographique peuvent nous renseigner sur l'histoire de
l'espèce, c'est-à-dire les mouvements et les
changements démographiques des populations qui la composent.
Quelques exemples allant du monde végétal
à l'Homme illustreront ce que l'ADN nous apprend sur ces
processus micro-évolutifs.
Et quand les poules avaient des dents ...
- Éclairage de la
biologie du développement sur l'évolution des
formes animales
René Rezsohazy
(Unité des sciences vétérinaires, UCL)
Les récents progrès en biologie du
développement qui joignent l'embryologie à la
biologie moléculaire et la génétique
à l'étude de la biodiversité apportent
de nouveaux éclairages sur la façon dont les
formes animales se sont élaborées et
diversifiées au cours du temps. À l’aide
d'exemples choisis pour illustrer ces avancées dans
l'étude de différents phyla animaux, nous
explorerons les perspectives dessinées par la biologie
évolutive du développement ou
« evo-devo ».
Quel statut scientifique pour
l’Évolution ?
L’Évolution est-elle
moins scientifique que la physique quantique ?
Pierre Marage (Physique, ULB)
Le statut scientifique de l’Évolution est
contesté par ses détracteurs, en vue d’estomper
le contraste avec des approches non-scientifiques : pas de
« preuves », pas de pouvoir
prédictif, pas de place à
l’expérimentation. Mais qu’en est-il vraiment du statut des
« preuves » et de la
prédictivité dans les sciences
physico-chimiques ? Et, d’autre part,
l’épistémologie de la biologie peut-elle se
réduire à celle du physico-chimique ?
L’ Évolution à
l’échelle des génomes
Jacques van Helden (Analyse des
génomes, ULB)
Le fait de disposer du génome complet d'un grand nombre
d'organismes ouvre des perspectives nouvelles concernant l'analyse de
l’évolution biologique. Même si nous sommes loin
de connaître la fonction de tous les gènes, la
génomique comparative permet déjà de
poser des questions sous un angle nouveau. On peut étudier
non seulement la présence, mais aussi l'absence de
gènes à travers la taxonomie, pour
détecter des groupes de gènes co-occurrents. On
peut également analyser l'obsolescence des gènes,
leur "érosion" progressive dans certaines espèces
où leur fonction n'est plus requise.
Les fossiles: témoins concrets
de l'évolution
Thierry Smith (Paléontologie, IRSNB)
En observant les fossiles et en les comparant aux êtres
vivants actuels, les scientifiques les ont fait parler afin de retracer
le passé. La paléontologie, qui s'est longtemps
limitée à la description morphologique des
fossiles, s'est transformée en profondeur durant ces
dernières années, portant un nouveau regard sur
la phylogénie du monde vivant, remettant parfois en cause de
grands principes évolutifs et nous offrant même
des pistes quant aux réactions du vivant au
réchauffement global afin de prédire le futur.
Les grandes étapes de l’évolution seront
abordées au travers d’exemples concrets de
vertébrés fossiles dont certains
découverts récemment ont changé
considérablement notre vision de l’évolution.
L'évolution
prébiotique et l'origine de la vie
Jacques Reisse (Chimie organique,
ULB)
L'expression « origine de la
vie » suggère une transition brutale de
la non-vie a la vie. Il en est pourtant de l'origine de la vie comme de
l'origine de l'homme ou de celle du langage: des
pre-hominidés ont précédé
les hominidés, des pré-langages ont
précédé les langages. Le terme
"prébiotique" décrit des états de la
matière qui, selon nos critères actuels, ne
correspondraient pas à une cellule vivante, mais qui
possèdent déjà certaines des
caractéristiques des plus simples des êtres
vivants. Ceci conduit à la nécessité
de s'entendre sur une définition minimaliste d'un
être vivant et cette tache n'est pas aisée. Par
ailleurs, ces états de la matière que l'on
qualifierait de "pré-vivants" sont eux-mêmes de
complexités croissantes, en allant des constituants des
êtres vivants a des systèmes
supramoléculaires doués de fonctions.
Évolution, science et
société
Interactions entre biologie et
sciences sociales
Marcelle Stroobants (Sociologie,
ULB)
Au milieu du XIXe siècle, tandis que l'histoire naturelle
devient science biologique, la sociologie se construit en
réponse aux questions sociales. Les échanges
réciproques entre l'une et l'autre passent par des notions
équivoques - compétition, sélection,
survivance des plus aptes - où résonne toute la
puissance du capitalisme triomphant. Si ce genre de
métaphores s'est avéré
fécond pour le darwinisme, l'effet en a
été nettement plus ravageur en revenant sur le
terrain même d'où elles provenaient, les sciences
sociales. Dans sa version modernisée, le
néo-darwinisme s'est à nouveau nourri d'un
concept venu d'ailleurs, le
« programme », et de notions
provenant en ligne directe de l'économie, tel le calcul
« coût/bénéfice ».
De leur côté, les sciences sociales se sont
généralement repliées
derrière une opposition tranchée entre nature et
culture. À partir d'exemples, on verra sur quelles
simplifications reposent tant les unifications
précipitées que les cloisonnements
défensifs. Peut-on concevoir un cahier des charges pour des
échanges plus féconds ?
Quand les biologistes parlent des
sociétés (du darwinisme social à la
sociobiologie)
Jacques van Helden (Analyse des
génomes, ULB)
Le darwinisme social prône la compétition
inter-individuelle comme moteur de l’évolution des
sociétés humaines. La sociobiologie propose
différents modèles pour justifier la valeur
adaptative de l’altruisme, dans les sociétés
animales, et chez l’homme. Nous évaluerons les
différents modèles évolutifs
invoqués pour expliquer les comportements sociaux chez les
animaux, et leur transposition à
l’homme.
Évolution et choix collectifs:
des expériences, des modèles et des mots
José Halloy (Ecologie sociale, ULB)
La démarche
théorético-expérimentale est possible
en biologie, elle ressemble alors à celle
développée en physico-chimie pour les
systèmes mésoscopiques. Comme pour ces
systèmes, l’existence et surtout la non-existence de grande
théorie cadre ne pose pas de grand problème.
Toutefois, cette démarche nécessite de se
soumettre aux contraintes de l’expérimentation. Nous
illustrerons sur des cas expérimentaux comment
différentes modélisations
mathématiques ouvrent des mondes différents. D’un
part, une approche plus similaire à celle de la
physico-chimie, par exemple en termes de théorie des
systèmes dynamiques, établit un lien entre
mécanisme et cause proximale. D’autre part, une approche
inspirée des sciences économiques, par exemple en
termes de théorie de jeux, prétend trouver des
explications en termes de cause ultime. Nous tenterons de remettre en
question la séparation entre cause ultime et proximale et de
souligner le caractère tautologique des modèles
lorsqu’ils ne se soumettent plus aux contraintes
expérimentales laissant place à de potentielles
dérives idéologiques. Enfin, nous tenterons
d’attirer l’attention sur le pouvoir du vocabulaire utilisé
dans ces deux cadres différents. Lorsque les
expériences font défaut, la polysémie
des termes utilisés permet de laisser croire à
des résultats significatifs.
Qui a peur de
l’évolution des espèces ?
La
« séparation des
magistères » peut-elle tenir la route ?
Isabelle Stengers (Philosophie des sciences, ULB)
L'idée d'une séparation entre deux
magistères, l'un portant sur ce que les hommes peuvent
savoir (les sciences) et l'autre sur ce qu'ils doivent faire
(éthique, politique, religion) est une idée
saine, mais exigeante, surtout lorsqu'il s'agit de la science de
l'évolution. La séparation ne peut signifier la
contradiction, un monde schizophrénique où un
magistère nierait ce que suppose l'autre. Elle demande donc
ce que les physiciens appellent des « conditions de
raccord ». Ou, plus concrètement, elle
demande que les élèves à
l'école ne doivent pas oublier ce que leur a dit un
enseignant pour en écouter un autre. Il s'agit donc d'une
épreuve plutôt que d'un tranquille état
de fait. Mais c'est une épreuve salubre, en tout cas pour
les scientifiques.
La fin de l’exception humaine ?
Vinciane Despret (Philosophie et
psychologie, ULg)
Les recherches de l’éthologie et de la psychologie animale
ont rendu la question du propre de l’homme de plus en plus
problématique. L’homme ne serait-il en définitive
qu’un animal comme les autres ? C’est la manière
dont est souvent proposée l’issue du débat. Or,
cette formulation même, d’une part en termes de
« ne que » et, d’autre part, dans
cette généralisation qui nie toute
diversité, ne traduit finalement qu’un grave manque de
politesse et un manque tout aussi cruel de curiosité, tant
à l’égard des hommes, que des animaux et de
l’inventivité que représente chaque forme de vie
et de rapport au monde et aux autres. Elle ne peut qu’alimenter les
suspicions et le conflit. Il s’agira de chercher ensemble avec quels
animaux, et avec quels scientifiques pour les présenter,
nous pouvons reprendre ensemble la recherche tant des liens qui nous
unissent que des différences qui nous rendent, les uns et
les autres, intéressants.
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